La question de la différence entre un kinésithérapeute et un ostéopathe est souvent posée. En effet, ces deux professions sont, à la base, toutes deux des thérapies manuelles. Elles présentent cependant de nombreuses différences et peuvent ainsi être complémentaires dans la prise en charge des patients. Je tiens à préciser que les explications données dans l’article qui suit sont peut-être parfois un peu « caricaturales », ceci dans le but de bien différencier kinésithérapie et ostéopathie : en effet, la réalité n’est pas toujours aussi tranchée et je ne veux pas opposer ces deux professions mais les associer en insistant sur leur complémentarité.
Des visions et des visées différentes
Les professions d’ostéopathe et de masseur-kinésithérapeute, bien qu’ayant des bases théoriques communes, présentent des points de vue différents sur le corps humain, le maintien de la santé et la prise en charge de la maladie. La kinésithérapie intervient en général en cas de pathologie et s’intéresse à traiter le symptôme du patient. Bien souvent, le kinésithérapeute interviendra en rééducation après un traumatisme, une opération chirurgicale ou une pathologie. A l’inverse, l’ostéopathie vise le maintien de la santé de la globalité du corps, en comptant sur les mécanismes d’auto-régulation et d’auto-guérison de celui-ci. Ainsi on peut dire, de façon un peu caricaturale, que le kinésithérapeute agira localement sur la zone porteuse du symptôme quand l’ostéopathe agira globalement sur le corps pour lui permettre de se rééquilibrer de lui-même. Si l’ostéopathe cherche à régler les dysfonctionnements corporels, une de ses spécificités est de proposer un travail à visée préventive pour aider le corps à se maintenir en santé. Nul besoin d’attendre d’aller mal pour consulter ! En effet, tout dysfonctionnement du corps n’est pas forcément symptomatique au départ mais peut, s’il persiste dans le temps, finir par devenir problématique en entraînant notamment un certain nombre de compensations.
Il convient de différencier les notions de dysfonctionnement et de pathologie. Le terme de dysfonctionnement (mauvais fonctionnement) traduit une atteinte de la fonction d’une zone corporelle sans atteinte de sa structure. Si l’on prend l’exemple d’une articulation, cela signifie que les différents éléments anatomiques qui la composent sont sains : il n’y a ni fracture osseuse, ni entorse ligamentaire, ni déchirure musculaire, etc. Pour autant, le fonctionnement de l’articulation peut être altéré : perte d’amplitude ou manque de fluidité dans la réalisation du mouvement. Le dysfonctionnement respecte l’anatomie et la physiologie du corps, qui possède ainsi toujours ses capacités d’auto-guérison. Ceci n’est pas le cas s’il y a atteinte de la structure, faisant basculer le problème dans la pathologie. Dans ce cas-là, les mécanismes d’auto-guérison du corps peuvent être altérés et ne pas répondre aussi bien aux traitements proposés.
Il convient également de différencier le symptôme et son origine. L’ostéopathe s’attache à rechercher la cause d’un symptôme, tel qu’une information douloureuse, sans chercher à faire taire ce symptôme mais en le considérant comme un signal envoyé par le corps pour signifier un dysfonctionnement. Il faudra donc trouver et traiter ce qui dysfonctionne initialement pour que le symptôme-signal n’ait plus besoin d’être envoyé. Il est à noter que, tout étant relié dans le corps, la zone responsable du problème de départ peut parfois se situer très à distance de la zone porteuse du symptôme.
Des techniques et des outils différents
Si l’ostéopathe soigne uniquement à l’aide de ses mains, le kinésithérapeute, lui, peut être amené à utiliser du matériel pour effectuer son traitement ou pour faire pratiquer des exercices à son patient (appareils à ultrasons, électrostimulation, trampoline, vélo d’appartement…).
Concernant les techniques manuelles-mêmes, il y a là encore des différences. Le kinésithérapeute a une formation spécifique en massage thérapeutique (d’où la désignation complète de sa profession sous le terme de « masseur-kinésithérapeute »). Par ses massages, il va travailler à relâcher la musculature et peut aussi chercher à stimuler le drainage veino-lymphatique. Il peut également utiliser certaines machines dans ce but-là. L’ostéopathe, quant à lui, effectue des mobilisations et des manipulations sur diverses parties du corps en cherchant à restaurer la mobilité des différents tissus. Si le kinésithérapeute travaille essentiellement sur les muscles et les articulations, l’ostéopathe pourra être amené à travailler sur d’autres tissus tels que les viscères ou le crâne par exemple.
Kinésithérapeute et ostéopathe s’intéressent tous deux à restaurer la mobilité du corps mais ils y travaillent de façons différentes. Le kinésithérapeute travaille sur la restauration des grands mouvements des articulations (« macro-mouvements« ). Par exemple, ces grands mouvements au niveau du genou sont les mouvements de flexion et d’extension. Si votre genou fléchit mal, il faudra le « forcer » à se fléchir à nouveau, en effectuant des étirements éventuellement associés à des exercices de renforcement musculaire. A l’inverse, l’ostéopathe travaillera plutôt sur ce qu’on appelle les « micro-mouvements« . Ces micro-mouvements sont des mouvements de glissement dans les trois plans de l’espace qui se produisent à l’intérieur des articulations lors de la réalisation des grands mouvements. Par exemple, un macro-mouvement de flexion du genou s’accompagne d’une rotation interne, d’un glissement externe et d’un glissement antérieur du tibia sous le fémur. Il suffit qu’un micro-mouvement soit altéré pour que le grand mouvement ne se fasse pas de façon correcte. Il est à noter que l’une des spécificités de l’ostéopathe est qu’il ne s’intéresse pas uniquement à l’amplitude du mouvement mais aussi à sa qualité.
Pour redonner une bonne amplitude mais aussi une bonne qualité aux micro-mouvements, l’ostéopathe pourra utiliser des techniques « directes », c’est-à-dire que, tout comme le kinésithérapeute, il « forcera » les tissus à aller dans le sens de la correction. Mais il pourra également décider d’utiliser des techniques « indirectes », qui iront dans le sens de l’exagération du dysfonctionnement afin de faciliter le relâchement tissulaire. Ce genre de techniques est assez spécifique de l’ostéopathie et est très en lien avec la notion d’écoute et de respect des tissus. Il existe d’ailleurs des techniques dites « d’écoute tissulaire », où l’ostéopathe propose un point d’appui aux tissus pour leur permettre de se corriger par leur propre énergie. Cela peut être assez déroutant pour le patient et donner l’impression que l’ostéopathe « ne fait rien » puisque celui-ci bouge très peu ses mains dans la réalisation de ce type de techniques. Mais ces dernières peuvent s’avérer très puissantes chez certains patients et donner des résultats étonnants.
Lors d’une séance de kinésithérapie, le patient peut être aussi bien actif, par la pratique d’exercices de gymnastique médicale, que passif (massages et étirements effectués par le kinésithérapeute). A l’inverse, le patient est la plupart du temps passif lors des séances d’ostéopathie (à l’exception de certaines techniques où l’on peut demander des contractions musculaires) : le patient doit se laisser mobiliser et manipuler par l’ostéopathe, en essayant tant que possible de se relâcher, d’où la nécessité d’être à l’aise et en confiance avec son thérapeute.
Des cursus de formation différents
Ostéopathes et kinésithérapeutes ne suivent pas le même type d’études. Aujourd’hui, en France, les kinésithérapeutes doivent, en principe, passer par la « première année de médecine » avant de suivre 4 années d’études en massage-kinésithérapie (il y a d’autres voies d’accès possibles à ces études mais nous ne les détaillerons pas ici car les choses tendent à se modifier avec la réforme de la PACES). A la fin de leurs études ils obtiennent un DE (diplôme d’Etat), entré en vigueur en 1946.
Les futurs ostéopathes, quant à eux, peuvent commencer leurs études en ostéopathie directement après le baccalauréat. L’enseignement public supérieur français ne proposant pas de formation en ostéopathie, celle-ci est assurée par des établissements de formation privés agréés par l’Etat. Ces études durent désormais 5 ans, avec parfois une 6ème année optionnelle. La validation du diplôme donne droit au titre d’ostéopathe, terme légalement reconnu depuis 2002.
Il est à noter que les professions de masseur-kinésithérapeute et d’ostéopathe sont toutes deux classées au niveau 1 (niveau le plus élevé, équivalent à un bac + 5 minimum) du RNCP (Répertoire National de la Certification Professionnelle), ce qui permet de certifier que les connaissances et les compétences du diplômé sont de bonne qualité.
Pour précision, les études d’ostéopathie en 5 ans, équivalant à plus de 5000 heures de formation, précédemment évoquées concernent les ostéopathes exclusifs, c’est-à-dire ceux qui ne pratiquent que l’ostéopathie. En parallèle, et c’est ce qui peut en partie semer le trouble dans la tête des patients qui ont du mal à distinguer ostéopathie et kinésithérapie, de plus en plus de kinésithérapeutes se forment en ostéopathie. Ces formations se réalisent à temps partiel, en général à raison de plusieurs séminaires par an, répartis sur 5 ans pour atteindre un minimum d’environ 1900 heures de formation.
Une intégration différente dans le système de soin
Le masseur-kinésithérapeute est un professionnel de santé dont les actes sont encadrés par le Code de la santé. L’ostéopathe exclusif, quant à lui, n’est pas dénommé comme professionnel de santé puisqu’il n’est pas intégré dans le système de la Sécurité sociale. Il existe cependant des OPS (ostéopathes professionnels de santé) : il s’agit des médecins, sages-femmes et masseurs-kinésithérapeutes qui ont suivi en parallèle une formation en ostéopathie.
Les séances de kinésithérapie pourront être remboursées par la Sécurité sociale à hauteur de 60% du tarif de convention, sous condition qu’il y ait eu une prescription médicale. Les 40% de reste à charge pourront être remboursés, en partie ou en totalité, par une mutuelle complémentaire. Contrairement aux actes de kinésithérapie, les séances d’ostéopathie ne sont jamais prises en charge par la Sécurité sociale, même dans l’hypothèse où un médecin rédigerait une ordonnance pour effectuer de telles séances. Précisons, à ce sujet, qu’officiellement l’ostéopathe est un thérapeute de première intention, c’est-à-dire qu’aucune ordonnance médicale n’est nécessaire pour le consulter puisqu’il est reconnu apte à effectuer lui-même son propre diagnostic. Si la Sécurité sociale ne prend pas en charge l’ostéopathie, nombreuses sont désormais les mutuelles complémentaires qui remboursent les séances d’ostéopathie, en partie ou en totalité. A titre d’exemple, une certaine mutuelle (dont nous ne citerons pas le nom ici) très présente en région Auvergne-Rhône-Alpes rembourse jusqu’à 4 séances d’ostéopathie par an et par assuré, à hauteur de 20, 30 ou 40 € par séance, selon le niveau de garantie choisi. Bien sûr ceci n’est qu’un exemple et le niveau de remboursement des séances d’ostéopathie dépend de la mutuelle et du type de contrat auquel vous avez souscrit.
A titre indicatif, une séance de kinésithérapie est facturée entre 16 et 33 euros en moyenne et dure environ 30 minutes. Les séances se font en général une ou deux fois par semaines, pour atteindre un total de 10 à 50 séances selon les cas. Le tarif des séances d’ostéopathie est libre. Il tourne aux alentours de 50 euros la séance mais peut être plus élevé selon les cabinets. Une séance d’ostéopathie dure en principe de 3/4 d’heure à une heure (durée variable selon les cas et selon les thérapeutes). Personnellement, j’accorde beaucoup d’importance au fait de prendre du temps pour chacun de mes patients. Le temps passé à écouter le patient et à l’observer est un temps privilégier qui permet de le cerner au mieux dans sa globalité. Cela permet également au patient d’être plus à l’écoute de ce qui se passe dans son propre corps et de comprendre, peut-être, qu’il est nécessaire de s’accorder du temps pour prendre soin de lui. Ce temps est particulièrement précieux, me semble-t-il, dans notre actuelle société qui semble régie par la volonté d’aller toujours plus vite.